Rédigé par un collectif BBF composé de Daniel Massip, Daniel Mestrot, Frédérick Miessner, Jean Michel Marcon, Eric Despalin, Jérôme Palaudoux et Franck Rosmann.

Le no kill, c’est bien joli… Ce concept se généralise enfin (ouf !!!), mais remettre un poisson en mauvais état à l’eau, ça ne sert pas à grand chose ! Enfin si : il a déjà de plus grandes chances de survivre et donc de se reproduire s’il est relâché qu’une fois qu’il est cuisiné au beurre blanc… Voici donc quelques conseils pour vous aider à mieux manipuler vos prises ! Pour leur bien… A BBF, nous chérissons particulièrement les diables verts… Nous nous démenons pour les introduire et les protéger… Les nombreuses discussions que nous avons pu avoir ces derniers temps nous ont fait rédiger cet article que nous partageons ici avec tous. Le but est de sensibiliser les cohortes de nouveaux pêcheurs sportifs sur le maintien des poissons, en particulier pendant les séances photos ! C’est Internet qui nous initialement irrité puis décidé à pondre ce papier : la multiplication des blogs où l’on voit photos et vidéos sur lesquelles les protagonistes n’ont cesse de reproduire les gestes d’icônes américaines ou japonaises, en particulier un geste maladroit (et malheureux !) qui provoque sur les black bass ce que nous appelons les « bouches en équerre » ou « gueules cassées »… La presse écrite ne fait parfois pas meilleure figure… Sans être moralisateur, cet article est une simple piqûre de rappel et de bon sens. Nous souhaitons avant tout cesser d’imiter ces icônes étrangères et développer un concept qui manque selon nous : une touche française de manipulation des poissons ! Et oui, poissons puisque nous ne nous arrêterons pas au black bass, les autres espèces ayant également droit au respect ! La base de ces lignes est issue de la rubrique « Respectons les Bass » rappelée dans chaque Bulletin de l’Association Black Bass France. L’idéologie est simple : il faut penser poisson !!! C’est ce qu’on a l’habitude de dire dans les métiers piscicoles lorsqu’on veut porter l’attention des manipulateurs sur leur façon de traiter les poissons. En pensant poisson vous vous mettrez à sa place et corrigerez ou éviterez quelques unes des mauvaises habitudes de certains pêcheurs (dont certaines stars télévisuelles internationales). En prêtant attention à ces détails et en respectant la ressource, vous garantirez la qualité de vos pêches futures. Il faut ainsi faire de notre mieux pour que le poisson souffre le moins possible de notre rencontre.

Manipulations générales

Commençons par le ferrage : il ne faut pas l’exagérer, nous ne souhaitons pas ici arrêter un Airbus en plein élan ! Le combat se doit d’être ferme afin de ne pas flinguer le poisson, mais sans exagération non plus : un poisson n’a rien d’un surfer… Ces phases sont déjà traumatisantes pour le poisson.

Egarons-nous quelques instants sur le « mauvais exemple » étranger : nos jeunes pêcheurs sont trop habitués aux vidéos nippones ou américaines. Là-bas, les poissons volent ! Les ferrages sont surpuissants et souvent le poisson arrive encore vert au bateau (attention, ceci est un bon point !) puis il est projeté comme si de rien, terminant sa course sur la moquette brûlante, puis parfois dans la caisse de leurres restée grande ouverte… Nous condamnons ces pratiques, même si les biotopes dans ces deux pays sont différents et le Bass très présent là-bas, un peu plus de respect de l’intégrité physique de sa capture serait tout de même bienvenu et en tout cas symboliquement plus en phase avec l’esprit passionné que nous voulons partager avec les autres pêcheurs, notamment les plus jeunes et les novices ! En analysant ces vidéos, on perçoit même une sorte de lassitude de la part des acteurs : c’est comme s’il n’y avait plus rien de nouveau ou de plaisant à extirper un Bass de son écrin. La manipulation du poisson est alors relayée au second plan, le partenaire de jeu n’est plus respecté et devient un faire-valoir, une masse équivalent à des points et peu importe comment elle est traitée pourvu qu’elle reste vivante jusqu’à la pesée ou jusqu’au « clap » de fin de la séquence vidéo ! De plus, les personnes que nous pouvons voir dans ces médias sont très souvent des compétiteurs ou parfois des spécimens hunters qui dédaignent les bass de tailles inférieures à leur « jauge ». Leur but est de « rentrer » le poisson le plus rapidement possible sans prendre de risque (time is money…) et de passer à la suite. Mais combien d’entre nous sont compétiteurs ? Bref vous l’aurez compris, il y a peu de points communs avec nos conditions « hexagonales »… Alors soyons doux avec nos Bass…

Rappelons aussi qu’il n’est pas inutile, loin de là, d’écraser les ardillons de vos hameçons… Outre le fait de faciliter les décrochages, dans certains cas (hameçon passant dans un arc branchial ou un globe oculaire, par exemple) ce simple geste sauve bien des poissons ! Et s’il vous arrive une mésaventure (tout le monde s’est un jour retrouvé crocheté par son propre hameçon), ce geste peut également vous éviter un aller-retour à l’hôpital ou encore le massacre de votre pantalon ou chemise préféré…
Le poisson arrive au bateau ou à vos pieds, il faut maintenant s’en saisir…Le grand principe : vos mains sont les moins traumatisantes pour votre capture, si elles ont été mouillées. Ensuite vient l’épuisette à mailles adaptées.
Voilà, votre poisson est enfin sécurisé, il faut alors décrocher votre leurre avec une pince à becs courbes ou longs, bien adaptée à cette opération qui doit être rapide. Pensez à conserver une pince coupante à portée de main, elle permettra parfois de sauver un poisson d’une situation délicate (hameçon traversant une partie vitale comme une branchie, un œsophage ou une orbite oculaire). N’hésitez pas à sacrifier l’hameçon en coupant sa tige pour la débarrasser de l’ardillon. Au cours des manipulations, maintenez le poisson dans l’eau le plus souvent possible. Si vous décidez de le poser (pour le mesurer par exemple) prenez garde à la texture et à la température du support que vous mouillerez systématiquement. Attention aux décrochages (et à la séance photos qui va sans doute suivre…) qui durent plusieurs dizaines de secondes. Au contact de l’air (d’autant plus s’il est chaud et sec, ou trop venteux, ou même très froid !) les branchies des poissons s’abiment et ne permettent plus au poisson de respirer convenablement. Replongez régulièrement le poisson entre deux prises de vues et ne sortez le poisson que lorsque le photographe est prêt ! Evitez de faire chuter le poisson sur le sol (sable, rochers, bateau, …) ou sur une surface dure. Si par malheur cela arrivait, rincez le poisson sans le frotter pour le débarrasser des matériaux accumulés sur le mucus protecteur et relâchez le immédiatement. Il en a déjà assez vu pour qu’on lui inflige d’autres traumatismes.
Il est parfois légitime de souhaiter conserver une photographie souvenir. Mais là aussi il ne faut pas faire n’importe quoi ! Et c’est là qu’on voit le plus d’erreurs (logique, on n’a pas de trace du reste !)… Maintenez le poisson bien verticalement, surtout sans lui « tordre le cou ».

Cela évite de lui causer des traumatismes au niveau de la colonne vertébrale ou de lui faire une élongation des ligaments maxillaires (les gueules cassées…) ! Ainsi blessé, il ne pourrait s’alimenter correctement durant de longues semaines et pourrait même périr.

Si vous souhaitez faire une photo en le maintenant horizontalement (c’est ce que nous vous recommandons pour les sujets assez lourds qui supportent moins bien la posture verticale à cause du poids de leurs viscères), soutenez-lui délicatement le pédoncule caudal ou le ventre sans le serrer tout en conservant un alignement « tête – corps » naturel. Mouillez-vous les mains avant toute manipulation d’un poisson.

Enfin, il faut relâcher le poisson dans les meilleures conditions. Remettez-le délicatement à l’eau, sans le jeter. Evitez de le poser dans une zone d’eau stagnante, troublée ou vaseuse où il pourrait s’asphyxier. Si votre capture vous semble groggy, maintenez-le horizontalement, la bouche entr’ouverte dans une zone calme et à l’eau claire et, contrairement à une idée largement répandue qui veut qu’on imprime au poisson des mouvements de va-et-vient pour le ré oxygéner, préférez la répétition de très légers mouvements vers l’avant qui correspondront mieux au procédé naturel d’oxygénation durant la nage. Les filaments branchiaux (le rouge des branchies) sont attachés aux arcs branchiaux en un point et se placent dans le courant de manière libre en ondulant comme un drapeau dans le vent. Si l’on effectue des mouvements vers l’arrière, les filaments risquent de s’emmêler car ils travailleront dans un sens qui n’est pas normal pour eux. De même, les mouvements du poisson vers l’avant ne doivent pas être trop brusques pour limiter les entrées d’eau trop conséquentes dans l’œsophage et l’estomac.

N’utilisez pas de bourriche (anglaise ou autre) pour conserver des bass vivants lors des compétitions. Lors des déplacements le courant les plaque contre le filet et les asphyxie. Hors compétition, on ne stocke pas de bass, on les relâche in-situ.

Seul un vivier digne de ce nom est adapté à cette pratique. Qu’il soit intégré au bateau, mobile ou bricolé à l’arrière de la coque (comme le système qu’avait bricolé Lionel GROU avant d’avoir un bateau mieux équipé et qui semblait efficace), vous veillerez à ce qu’il ne présente pas, à l’intérieur, d’arêtes vives ou de parties saillantes qui blesseraient les poissons stockés.

Si votre vivier n’a pas de système de recirculation d’eau neuve, pensez à en changer l’eau régulièrement. Plusieurs Black-bass gardés dans un tel « récipient » clos ne survivront pas longtemps. La quantité d’oxygène dissous diminuant et celles de gaz carbonique et d’ammoniac augmentant, l’eau devient vite invivable. Sachez simplement qu’un petit poisson consomme, proportionnellement, plus d’oxygène qu’un gros : quatre bass de 500 g consomment plus d’oxygène qu’un bass de 2 kg. Et plus l’eau est chaude moins elle peut dissoudre d’oxygène. Il faut donc être très attentif !
Vu le prix d’une petite pompe immergée (2 m 3 / H) et le peu de bricolage que cela demande, vous aurez moins de souci à opter pour cette solution plutôt que de soulever le couvercle de votre vivier toutes les 1/2 heures pour changer l’eau de vos captifs !

Ne pas laisser de traces de son passage sur un site naturel est la moindre des chose pour tout passionné de nature que nous sommes. Être un pêcheur responsable et moderne est un tout qui ne se limite pas simplement à l’acte de capture du poisson, à la connaissance des dernières techniques ou à l’apposition d’écussons de marques sur ses vêtements.

Prévoyez d’avoir avec vous un sachet pour ramener chez vous vos déchets (mégots, fil de pêche ou leurres souples usagés, emballages divers, restes de pique-nique…).

Veillez à ce que le moteur thermique de votre bass boat soit bien réglé et ne pollue pas trop. Il existe des huiles bio-dégradables dont nous recommandons l’usage (Motul 600 Outboard, Castrol Biolube 100…).

Epilogue…

Voilà ce que nous avons souhaité appeler la « French attitude ». Des conseils logiques qui visent avant tout à respecter les poissons que nous chérissons et qui nous le rendent bien. Les photos seront peut être moins « frimes » mais elles seront d’autant plus démonstratives et probantes de nos vraies valeurs. Du reste, l’équipe rédactionnelle du Bulletin BBF ne s’y trompe pas et ne publie aucune photo de « gueule cassée ». Nous espérons d’ailleurs que les autres supports (revues, Internet, …) feront de même à l’avenir…
Suivez le programme CA-RE de Black Bass France : CA-RE comme « CAtch and RElease » ou « CApturer et RElâcher », parfaitement symbolisé par le logo BBF et ses trois pointes faisant un parallèle certain avec l’idée d’une pêche raisonnée et durable. En anglais, Care : nom masculin = soin…